Sa Vie

Dreharbeiten « Martha » 1973: RWF mit Michael Ballhaus

Filmfestspiele Venedig 1980: RWF und Hanna Schygulla präsentieren « Berlin Alexanderplatz »

Dreharbeiten « Die Sehsucht der Veronika Voss » 1981: Juliane Lorenz, RWF und Vladimir Vizner

Rainer Werner Fassbinder

Rainer Werner Fassbinder (31 mai 1945-10 juin 1982) naît dans une famille bourgeoise cultivée de la petite ville thermale de Bad Wörishofen, en Bavière. Après le divorce de ses parents alors qu’il est âgé de cinq ans, l’enfant unique est élevé par sa mère et n’aura plus que de rares contacts avec son père, qui est médecin. Le garçon débute sa scolarité dans une école Rudolf Steiner et fréquente ensuite les lycées de Munich et Augsbourg, la ville de Brecht. Il interrompt ses études avant son baccalauréat. Fassbinder se passionne pour le cinéma dès son plus jeune âge (« cinq fois par semaine, souvent trois films par jour ») et c’est, selon toute vraisemblance, sa mère qui l’y incite, parce qu’elle a besoin de calme à la maison pour ses travaux de traduction. Le réalisateur dira plus tard que « le cinéma a été la famille que je n’ai jamais eue. »

À l’âge de vingt ans, Fassbinder tourne ses premiers courts métrages, en persuadant un de ses amants de les financer, en échange de quoi il lui fait tenir les rôles principaux de ces premières fictions. Il tente en outre le concours d’entrée à l’École supérieure de cinéma de Berlin (DFFA), mais on le refuse. Il apparaît lui-même comme interprète dans ses deux premiers films, LE CLOCHARD (où l’on voit également Irm Hermann, que le cinéaste fera souvent jouer par la suite) et LE PETIT CHAOS. Dans cette deuxième réalisation, il confie aussi un rôle à sa mère, qui apparaîtra régulièrement dans ses films ultérieurs, sous le nom de Lilo Pempeit. Ce n’est qu’après ces premières tentatives d’amateur que Fassbinder se décide à prendre des leçons d’art dramatique, dans un cours privé où il fait la rencontre d’Hanna Schygulla, qui deviendra sa principale interprète et une star d’envergure internationale. Sous l’influence de Schygulla, Fassbinder se met à s’intéresser au théâtre.

En 1967, Fassbinder rejoint la troupe de théâtre munichoise de l’Action-Theater. Dans ce cadre, il met en scène, joue et adapte des pièces d’esprit contestataire pour un groupe très soudé de jeunes comédiens professionnels, parmi lesquels Peer Raben et Kurt Raab, qui seront, aux côtés d’Hanna Schygulla et d’Irm Hermann, les éléments essentiels de son futur noyau de production cinématographique. Pour l’Action-Theater, Jean-Marie Straub met en scène une version de huit minutes du Mal de la jeunesse de Ferdinand Bruckner, dont il intégrera une partie dans son court métrage LE FIANCE, LA COMEDIENNE ET LE MAQUEREAU (1968), dans lequel Fassbinder interprète le rôle du souteneur. En 1968, Fassbinder monte pour la première fois une pièce dont il est lui-même l’auteur, Le Bouc, une rencontre très chorégraphique de vingt minutes entre les habitants d’un village de Bavière et un travailleur grec immigré parlant à peine quelques mots d’allemand, un personnage qui suscite parmi les hommes des réactions de haine violente sur le plan sexuel, racial et politique, tandis qu’il provoque une étrange fascination chez les femmes. Quelques semaines plus tard, en mai 1968, l’Action-Theater se dissout, à la suite de la crise de colère de Horst Söhnlein, un des membres fondateurs, qui, jaloux de l’influence croissante de Fassbinder, a entièrement démoli équipements et décors. À l’initiative de Fassbinder, la troupe se reforme rapidement sous l’enseigne de l’antiteater, qui poursuit une politique de production tout aussi radicale et souvent provocante.

Les années 1969-1976 représentent la période la plus prolifique et prodigieuse de Fassbinder. Une carrière théâtrale de premier rang (avec des mises en scène à Munich, Brême, Bochum, Nuremberg, Berlin, Hambourg et Francfort, où il dirige pendant deux ans le Theater am Turm, avec Kurt Raab et Roland Petri) n’est que la toile de fond d’une production apparemment incoercible de films, de téléfilms, d’adaptations et même d’une émission de variétés pour la télévision (en l’honneur de l’actrice Brigitte Mira). Pendant cette même période, il écrit et réalise également des dramatiques radio et joue en outre sous la direction d’autres cinéastes (il interprète notamment le rôle titre de BAAL, l’adaptation cinématographique de la pièce de Brecht tournée par Volker Schlöndorff). Dès 1976, Fassbinder est devenu une star internationale. Il obtient des prix dans les principaux festivals de cinéma, des rétrospectives de ses films sont présentées à Paris, New York, Los Angeles et une première étude critique de son œuvre est publiée à Londres. Son nom est désormais connu de tous les cinéphiles et du public universitaire, à travers le monde entier. Fassbinder a une maison à Paris, on peut le voir dans les bars gays de New York, où il entretient sa légende, mais aussi la réputation sulfureuse qui le poursuit aussi bien dans sa vie privée que professionnelle. C’est avec avidité que les circuits de cinéma d’art et d’essai programment ses films. Eu égard à la production importante que Fassbinder avait déjà derrière lui au moment où le public international le « découvre » avec TOUS LES AUTRES S’APPELLENT ALI, et au flux permanent de nouvelles œuvres, sa productivité en paraît d’autant plus phénoménale. (…)

Les œuvres de Fassbinder sont restées extrêmement personnelles et singulières, en témoignant d’un amour et d’une connaissance du cinéma indéniables et hors du commun. Ses films reflètent en outre un professionnalisme inné et passionné, une admiration pour le cinéma américain, le système des studios hollywoodiens, ses genres bien établis et le pouvoir d’attraction de ses stars, qui était une garantie de succès au box-office. « Je veux faire des films hollywoodiens – en Allemagne », disait, avec fierté, Fassbinder.

En 1972, Fassbinder a entamé une collaboration avec un producteur chevronné et brillant de la chaîne de télévision la plus prestigieuse d’Allemagne de l’Ouest, Peter Märtesheimer de la WDR. Sous l’influence de Märtesheimer, Fassbinder s’est tourné de façon encore plus résolue vers des sujets spécifiquement allemands et identifiables comme tels. Ensemble, ils ont notamment réalisé la série TV HUIT HEURES NE FONT PAS UN JOUR et co-écrit, en 1978, LE MARIAGE DE MARIA BRAUN, le succès commercial le plus considérable de Fassbinder et le premier volet de sa « trilogie RFA ». Nombreux sont les critiques étrangers qui ont considéré son adaptation télévisée, en treize épisodes, de BERLIN ALEXANDERPLATZ d’Alfred Döblin, comme son œuvre la plus accomplie, alors que la critique allemande s’est montrée au contraire particulièrement hargneuse à son endroit. Si Fassbinder a obtenu, avec LE SECRET DE VERONIKA VOSS, l’Ours d’or du festival de Berlin en 1982, il a vu lui échapper en revanche l’Oscar qu’il convoitait tant. Comme on l’a souvent signalé, Fassbinder a été la locomotive et le moteur (ou « le cœur », selon Wolfram Schütte) du Nouveau Cinéma allemand. Sa mort brutale par overdose en juin 1982 a marqué symboliquement le terme de la période la plus stimulante et la plus inventive que le cinéma allemand a connue depuis les années 1920.

Thomas Elsaesser